Réflexions sur l’école

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Aujourd’hui, j’ai envie de lancer une réflexion un peu globale sur l’enseignement en général. Ça m’est venu lors d’une discussion un midi avec des enseignants-chercheurs qui faisaient le bilan de l’année passée. Ce sont des réflexions pures, y a pas de preuves derrière, d’où le titre.

Le constat : les limites de l’éducation actuelle

Toute la discussion est partie d’un prof qui, à l’issue d’un partiel, était étonné des résultats de ses élèves. Il pensait leur avoir fait « un cadeau », c’est-à-dire un sujet qui reprenait les exercices de TD, et finalement les notes n’étaient pas terribles. De là est né une discussion avec des idées classiques qu’on entend chez les profs, à savoir que les élèves sont de moins en moins bons, de plus en plus dissipés, de plus en plus sur leur portable, etc.

Pendant longtemps, je trouvais que c’était un peu facile de la part des profs de dire ça. J’avais le sentiment qu’une fois qu’ils étaient passés de l’autre côté de la barrière, ils pouvaient se permettre d’oublier les élèves qu’ils avaient été et qu’ils pouvaient les critiquer à l’envie. De plus, je voyais aussi une sorte d’effet de Pareto, avec 80% de leurs retours basés sur 20% des élèves. Comme si les autres étaient simplement « normaux » et qu’il ne fallait donc pas en parler.

Pour moi, le problème était essentiellement de leur côté. La société évoluait, les comportements aussi, et pour autant, eux ne changeaient pas leurs méthodes, avec des cours magistraux faits par les professeurs, les TD faits par les maîtres de conf, et les TP faits par les doctorants (en gros). C’est pour ça que des mesures comme la suppression des portables dans les établissements n’était pas une solution selon moi, mais qu’elle allait accentuer le problème puisqu’on force des élèves à suivre un mode de pédagogie qui ne leur correspond plus. On ne cherchait pas à adapter l’éducation, on obligeait les élèves à s’adapter.

Depuis, ma vision s’est un peu nuancée et je comprends que tout ne peut pas être réglé du côté des profs, et qu’il faut aussi chercher à comprendre qui est en face d’eux.

Une des causes : les voies toutes tracées.

Je pense que lorsqu’un prof fait cours, il a devant lui 4 types d’élèves : les élèves qui sont sincèrement intéressés par le sujet, ceux que ça n’intéresse pas mais qui jouent le jeu (parce que ça permet de valider une UE par exemple), ceux que ça n’intéresse pas et qui ne jouent pas le jeu (parce qu’ils ont déjà validé l’UE par exemple), et ceux que ça n’intéresse pas tout court.

Les deux premières catégories sont assez classiques. Ce sont les gens qui suivent en cours, même si sur le moment la matière ne leur plaît pas (par exemple, j’ai suivi des cours d’économie, ça ne correspondait pas au cœur de ma formation mais je les ai quand même suivi avec intérêt). La troisième catégorie est un peu plus problématique car c’est peut-être dans celle-ci qu’on peut trouver les élèves qui foutent le bordel en cours par exemple. Mais ici, je voudrais plutôt me concentrer sur la dernière catégorie et poser la question : Comment en est-tu arrivé là ?

Je pense que, dans une formation donnée, il y a une part non-négligeable d’élèves qui sont là alors que ça n’est pas forcément leur place. Et les causes peuvent être multiples. Par exemple, ça peut être une décision qui a été guidée. Je pense par exemple aux parents qui prédéfinissent le parcours scolaire de leurs enfants avec le cliché classique de l’avocat ou du médecin. Je pense aussi à des profs qui peuvent imposer un parcours au vu des notes de l’élève et conseiller une formation ou une filière plutôt qu’une autre. Mais la décision peut aussi venir de soi, avec des élèves qui s’imposent des formations qui ne leurs correspondent objectivement pas, ou au contraire qui choisissent des solutions de sécurité (par exemple les gens qui choisissent S sans avoir forcément un profil scientifique).

Et pour ces différentes situations, on se retrouve avec une personne qui n’est pas sincèrement intéressée par une formation ou une matière, mais qui se persuade que c’est intéressant pour elle parce que ses parents, ses profs ou des statistiques le lui disent. Alors que face au fait accompli, c’est quelque chose qui n’est pas forcément fait pour elle.

Je pense que c’est pas forcément grave … à condition qu’on s’en rende compte. Si on a cette prise de conscience, eh bien on retrouve un certain contrôle et on peut choisir d’arrêter, de changer de filière, etc. On pourrait voir le temps passé comme du temps perdu, mais je me dis qu’il faut plutôt le voir comme une expérience de vie. Le plus compliqué selon moi, c’est si on ne s’en rend pas compte et qu’on s’obstine.

Dans ces cas-là, je pense que le phénomène est plus sérieux dans le sens où il peut backfire bien plus tard dans des proportions bien plus grandes. Et je pense que l’un des moyens d’éviter ça, c’est de se concentrer sur la motivation profonde qui nous pousse à faire ce qu’on fait.

Le manque de motivation

Pour appuyer ce que je veux dire, je pense que je peux partir de la citation d’Orelsan qui résume assez bien la situation d’un adolescent :

T’es au moment d’ta vie où tu peux devenir c’que tu veux

Le même moment où c’est l’plus dur de savoir c’que tu veux

Orelsan – Notes pour trop tard

Pour moi, le cœur de ce que je veux dire est dans ces deux phrases. Autour de moi, je vois les gens qui sont sincèrement passionnés par ce qu’ils font. J’ai un pote qui peut me parler de sciences de matériaux au retour de la fête de la bière de Stuttgart. J’ai un ami qui est prêt à tout faire pour arriver à Aribus Toulouse. Face à ces gens-là, je sens que moi j’ai moins le feu pour ce que je fais, et je me demande souvent comment je peux le trouver.

Je pense qu’on peut tous avoir des motivations liées à un statut social ou à l’argent par exemple, mais là je parle de motivation sincère pour faire quelque chose. C’est bien plus compliqué à identifier je trouve. Et pourtant, je pense que c’est la base de tout.

Car finalement, si on n’est pas capable d’identifier ce qui nous fait kiffer, d’autres sauront très bien le faire pour nous, et ça nous mènera dans des voies toutes tracées, avec à la fin un cours en amphi ou tu sens que t’es pas à ta place. Et c’est là qu’on se retrouve avec des profs qui ne savent plus comment faire. Et contrairement à ce que j’ai pu penser, il ne s’agit pas que de pédagogie. Pour une personne réellement motivée, un cours en amphi ou un mooc ont a priori le même effet. Alors que pour une personne qui l’est moins, le mooc sera juste une sorte de voile gentil et mignon pour essayer de faire digérer quelque chose qui n’intéresse pas la personne.

Je pense que la clé est là, et je pense aussi que c’est une chose très compliquée à découvrir. Déjà parce que nos centres d’intérêt évoluent au cours du temps. Quand j’étais plus jeune, je rêvais d’être ingénieur du son, après j’ai voulu faire des salles de spectacle, après j’ai voulu être chez Apple, maintenant je fais de la simulation, et je ne suis pas sûr d’y faire ma carrière. Et l’autre aspect, parce que tout n’est pas tout noir ni tout blanc, c’est qu’il y a aussi une responsabilité de la part des profs de créer de l’intérêt pour leur matière. Mais là je pense qu’on touche le serpent qui se mort la queue car je pense que pour créer l’intérêt, le prof doit lui-même être motivé, et donc on revient à la question de la motivation.

Conclusion

C’est un sujet sur lequel je trouve qu’il y n’y a pas de réponse facile. On ne peut pas demander à une personne de 15/20 ans quelle est sa profonde motivation qu’elle pourrait suivre pendant toute une période. Je pense que c’est quelque chose qui se cultive et qui évolue au cours du temps.

Pour autant, je pense qu’il faut savoir être à l’écoute de soi. Je suis assez d’accord avec ce qu’écrit Mark Manson dans son article « Screw finding your passion » :

The common complaint among a lot of these people is that they need to ‘find their passion.’
I call bullshit. You already found your passion, you’re just ignoring it. Seriously, you’re awake 16 hours a day, what the fuck do you do with your time? You’re doing something, obviously. You’re talking about something. There’s some topic or activity or idea that dominates a significant amount of your free time, your conversations, your web browsing, and it dominates them without you consciously pursuing it or looking for it.

Mark Manson – Screw finding your passion

Je pense que lorsque quelque chose nous intéresse sincèrement, on y dédie du temps, on fait des choix par rapport à ça, que ça soit conscient ou non. Si on est à l’écoute de ça et qu’on prend les décisions qui renforcent ces activités, on a tout gagné. Mais si on ne voit pas ça, ou pire, qu’on choisit de ne pas le voir, on se tire un peu une balle dans le pied.

Finalement, chaque camp doit évoluer : D’un côté, je reste convaincu que l’éducation telle qu’on l’a connue ne pourra pas perdurer si elle ne se transforme pas. Et d’ailleurs, cette transformation est déjà en route dans certains établissements. Lorsque j’étais au collège, les salles commençaient à être équipées de vidéoprojecteurs, on a aussi eu des tableaux blancs interactifs (TBI). J’imagine que depuis, ça s’est encore plus démocratisé. Mais de l’autre côté, je comprends aussi maintenant que les élèves ont aussi un rôle à jouer, en sachant être à l’écoute de leurs propres envies. Et évidemment, l’environnement (les parents et les profs) doivent pouvoir accepter ça, même si ça semble contre-intuitif parfois.

Voilà pour cette réflexion rédigée de manière assez décousue. Je suis assez intéressé par l’éducation en général, d’ailleurs je me dis souvent que je pourrais en faire mon métier plus tard, mais je n’en sais rien … Bref, en tout cas, j’espère que l’article vous a plu !

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