Pour cette semaine, j’ai envie de parler culture. Justement, ça tombe bien parce ce matin, Netflix a sorti la bande-annonce du film « Banlieusards ». Il sort en octobre, mais j’ai quand même envie d’en parler.
Le pitch du film
D’après la description de la bande-annonce, le pitch est assez simple à comprendre :
À 15 ans, Noumouké hésite entre suivre les pas de son frère Soulaymaan, étudiant en droit, ou ceux de leur aîné, Demba, gangster.
Pitch de « Banlieusards »
C’est difficile d’en dire plus sans paraphraser déjà cette phrase car tout est dit ! On s’attend déjà à voir les deux mondes totalement opposés des deux grands frères, et voir le dernier essayer de trouver sa voie face à ces deux repères totalement opposés. Ce qui est intéressant, c’est que tout oppose les deux grands frères, mais qu’ils ont quand même ce point commun d’être frères justement, donc ça jouera aussi sûrement sur quelle valeur chacun donne à sa famille. Bref, j’en dis pas plus, voici la bande-annonce :
Pourquoi ça me parle ?
Je vais commencer par la base : je n’ai aucune affiliation avec l’histoire de Kery James, co-réalisateur et scénariste du film. Je ne suis pas noir, je n’ai pas grandi en banlieue, je n’ai pas de fères, personne dans ma famille n’a fait des études de droit (bon, une personne un peu), et personne dans ma famille n’est gangster. Pourtant, ce film me parle.
Ça me parle parce que je trouve la démarche artistique dans laquelle le film s’inscrit stylée.
Je pense que s’il fallait la résumer, je dirais que la démarche de Kery James est de provoquer des crises de consciences, d’éduquer et d’émanciper les jeunes, et surtout les jeunes de banlieue. Et ce qui est très fort avec Kery James, c’est que cette démarche est déclinée sur de nombreux supports.
La musique
Bon, évidemment, tout commence avec la musique. Pour moi, l’une des chansons qui montre le plus cela est « L’impasse » avec Béné. Dans cette chanson, tout le cercle vicieux de la rue est décrit : les jeunes loups qui sont attirés par la vie illicite, qui obtiennent leur pouvoir par la violence, qui en profitent pendant un moment mais qui finissent par se faire avoir par un nouveau jeune loup. « L’impasse » fait d’ailleurs écho à « Deux issues« , une autre chanson où Kery James dit que la vie illicite ne mène qu’à deux issues : la mort ou la prison.
Je pourrais continuer, mais là où beaucoup de rappeurs jouent un rôle dans lequel ils glorifient la vie illicite (quelque chose Kery James a déjà critiqué), Kery James adopte une position très brute, très brutale même, dans laquelle il raconte la réalité de la vie illicite, et fait voir au-delà de l’argent facile.
L’engagement associatif
Dénoncer ce système est une chose, mais Kery James va plus loin en proposant des clés pour s’en sortir. Un mois après la sorte de l’album « À l’ombre du show business » (avec le fameux titre « Banlieusards »), l’association ACES pour Apprendre Comprendre Entreprendre et Servir est montée. L’objectif est de collecter des fonds lors des concerts de Kery James qui sont ensuite reversés sous forme de bourse d’études.
Je trouve que c’est une idée vraiment stylée de miser sur l’éducation, qui est d’ailleurs une idée sur laquelle je réfléchis beaucoup tellement je suis convaincu que ça joue un grand rôle pour savoir se débrouiller dans la vie. J’ai l’impression qu’on nous présente une image de la banlieue à la manière du principe de Pareto : 80% de ce qu’on voit dans les médias à propos de la banlieue ne représente que 20% des personnes qui y vivent. Et cette bourse peut permettre à la majorité silencieuse de s’exprimer.
Le théâtre puis le cinéma
Et enfin, l’étape la plus récente est donc le cinéma. Kery James n’a jamais caché sa volonté de faire des films, en témoigne la première annonce publique qui date de novembre 2016. Cependant le parcours n’a pas été simple puisque personne ne souhaitait financer le film. Loin de se laisser abattre, Kery James garde l’histoire de fond mais change la forme en écrivant une pièce de théâtre et en la jouant partout en France.
Et nous voilà maintenant fin septembre 2019, presque trois ans après l’annonce initiale sur Facebook. Netflix a accepté de produire le film, le film est tourné, monté, prêt à être diffusé. Et on saura enfin quelle voie choisira Noumouké.
Donner des repères
Dans une interview dont j’ai perdu la trace, Kery James avait déclaré vouloir faire ce film pour donner d’autres repères aux jeunes de banlieue. Finalement, les images qu’on a des banlieusards sont souvent l’une des trois catégories : sportifs (surtout footeux), artistes (surtout rappeurs) ou dealers.
Avec son film, Kery James monte qu’il existe d’autres voies, à travers le personnage de Soulaymaan qui suit des études de droit et qui participe à un concours d’éloquence. Mais aussi avec sa personne, où il montre que sa réussite ne l’empêche pas de se rappeler d’où il vient et de soutenir ceux qui sont à la place où il était, et où il montre qu’il existe d’autres futurs que les trois profils en écrivant des pièces de théâtre et des scénarios. Et c’est cette démarche que je trouve stylée.
Donc voilà, pour toutes ces raisons, je suis pressé que le film sorte car pour moi, le regarder revient à soutenir son travail en tant qu’artiste, et à légitimer sa démarche. Si ça vous intéresse, je vous recommande d’écouter sa musique et de lire la pièce et de regarder le film qui sortira le 12 octobre !
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