Construire un polygone régulier

Temps de lecture estimé : 7 mn

Aujourd’hui, on va parler géométrie, avec la construction d’un polygone régulier ! Mais on va essayer de faire ça de manière jolie, donc on s’autorise juste à utiliser un compas et une règle non-graduée ! Est-ce que ça va être possible ?

Pourquoi ça m’intéresse ?

En géométrie, c’est perçu comme stylé de n’utiliser qu’une règle et un compas pour faire des tracés. Pourquoi ? Parce qu’utiliser des outils compliqués pour faire des choses compliquées, c’est « facile ». Alors que faire des choses compliquées avec un nombre réduits d’outils simples, ça montre une certaine maîtrise. Et donc, j’aime bien me poser ce genre de défis.

Il y a 3 ans donc, j’étais en stage de fin d’études et mon attention a divagué, et je me suis mis à me poser cette question : Comment tracer un polygone régulier uniquement à la règle et au compas ? À l’époque, j’étais tombé sur une méthode géométrique qui avait l’air de marcher. J’avais essayé de la refaire, et en effet, ça semblait marcher. J’ai voulu la retrouver pour cet article, mais impossible de remettre la main dessus. Et comme on va pouvoir le voir plus tard, c’est pas plus mal.

Donc pourquoi ça m’intéresse ? Juste pour le plaisir et la fierté de savoir le faire xD

Définition

Avant de commencer, c’est quoi un polygone régulier ? Et d’ailleurs, c’est quoi un polygone ?

Un polygone, c’est une figure géométrique qui est faite avec une ligne brisée fermée. Une ligne brisée, c’est une ligne faite avec une suite de segments, et le fait qu’elle soit fermée, c’est pour dire que ça fait une boucle. Un triangle, c’est un polygone, un carré c’est un polygone, un octogone, c’est un polygone, etc …

Lorsque tous les côtés d’un polygone ont la même longueur, on dit que c’est un polygone régulier. Par exemple, un triangle équilatéral est un polygone régulier, un carré est un polygone régulier, et l’octogone est panneaux stop est un polygone régulier.

Il faut savoir que les polygones réguliers ont une propriété intéressante dont on va se servir : ils sont inscriptibles. Le mot est peut-être compliqué, mais l’idée derrière est simple : ça signifie que tous les sommets de ce polygone sont situés sur un même cercle. Mais attention, ça ne marche que dans un sens ! Si un polygone est régulier, alors il est inscriptible dans un cercle, mais le contraire est faux ! En effet, on peut construire un cercle qui passe par les trois sommets de n’importe quel triangle, mais ça ne veut pas dire que le triangle sera un polygone régulier pour autant.

Autre propriété intéressante, c’est que tous les sommets sont espacés du même angle sur ce cercle. Par exemple, si on veut tracer un pentagone (5 côtés), les angles seront espacés de 72° (360°/5).

On va justement se servir de cette histoire de cercle et d’angles pour tracer notre polygone. Et pour ça, on va avoir besoin de la trigonométrie ! C’est une branche des maths qui se sert des angles et qui utilise les fonctions cosinus et sinus pour répondre à nos questions.

Maintenant qu’on sait tout ça, c’est parti !

Notations

Ici, je vais donner des définitions générales. On commence par définir un nombre n qui correspond au nombre de côtés du polygone. n=3 pour un triangle, n=4 pour un carré, n=5 pour un pentagone, etc.

Ensuite, on va utiliser un nombre k pour noter les sommets du polygone. Et attention, pour désigner le premier sommet, on utilise le chiffre 0. Donc pour un triangle, k vaut 0, puis 1, puis 2. Pour un carré, c’est 0, 1, 2 et 3, etc. Je vais vous expliquer pourquoi on démarre à 0 un peu après.

Ensuite, on ne travaille plus en degrés, mais en radians. C’est-à-dire qu’au lieu de dire qu’un cercle fait 360°, on va dire qu’il fait 2*pi radians.

On peut donc alors définir un nombre a qui va désigner l’angle de chaque sommet. Et cet angle sera défini ainsi :

La formule a l’air compliqué, mais on retrouve le 2*pi/n qui correspond aux 72° dont je parlais tout à l’heure (n = 5 et 2*pi radians font bien 360°). Et le k indique donc le sommet. C’est là qu’on voit que c’est intéressant de commencer à k=0, car si k=0, alors a=0 radians, soit 0°, c’est-à-dire que c’est une ligne horizontale !

Et enfin on va chercher à calculer x, que l’on définit comme le cosinus de a :

Connaître x va nous permettre de placer les sommets sur le cercle. En effet, si on a un cercle et une droite sur laquelle on place tous nos x, on pourra trouver les sommets en faisant les perpendiculaires à la droite passant par les x. Et les sommets seront les intersections de ces perpendiculaires avec le cercle.

Voilà, on a tout, on va pouvoir y aller ! Pour cet article, je vais utiliser deux exemples : Le triangle (n=3) et l’heptagone (n=7). Et pour ne pas se compliquer la vie, je vais travailler avec un cercle de rayon 1. Ici, l’unité n’a pas d’importance, ça peut être 1cm, 1km, ce que vous voulez !

Premier cas : le triangle

On commence donc avec le triangle ! D’après nos définitions de tout à l’heure, on a l’angle a défini par :

Et donc le nombre x défini par :

Ensuite, on va utiliser les propriétés de la trigonométrie trigonométrie. Tout d’abord, on peut montrer que :

Et de plus, on sait que :

Grâce à ces deux égalités, et en utilisant la définition de x, on arrive à une nouvelle équation :

<

En transformant cette équation, on arrive à

Et on peut factoriser cette expression pour obtenir :

Grâce à cette écriture, on sait que les deux solutions sont :

Donc finalement, c’est très simple ! On trace un cercle de rayon 1, on fait passer une ligne horizontale par son centre, et on place un point à x=1 et à x=-0,5 ! Ensuite, on trace les deux droites perpendiculaires et on regarde où elles coupent le cercle !

La droite en x=1 coupe le cercle en un seul point … qui est justement en x=1 puisque le cercle est de rayon 1 ! Et la droite en x=-0.5 coupe le cercle en deux points, un au-dessus de la ligne horizontale, et un en-dessous.

Et voilà ! On a donc 3 points, on peut les relier et on a notre triangle équilatéral, qui est un polygone régulier ! C’est super, non ?

Alors évidemment, il y a des manières BEAUCOUP plus simples de tracer un triangle équilatéral, mais ce qui m’intéresse ici c’est de vous expliquer la méthode qui est utilisée car on va maintenant essayer de l’appliquer à d’autres cas ! On va prendre l’exemple de l’heptagone, un polygone à 7 côtés !

Deuxième cas : l’heptagone

Cette fois-ci, la définition de a va changer :

Par contre la définition de x ne change pas. Et cette fois-ci, pour notre problème, on va utiliser l’équation suivante :

Je ne vais pas rentrer dans les détails des transformations, mais cela nous ramène à résoudre l’équation suivante :

Là, on sait déjà qu’une solution possible est x=1, comme tout à l’heure. Par contre, on a un problème avec le terme de la deuxième parenthèse.

Le terme de la deuxième parenthèse est un polynôme de degré 3, il a donc 3 solutions. Avec un peu d’acharnement, on peut même calculer leur expression exacte et leur valeur approchée. Mais il y a un problème : ces solutions ne sont pas constructibles !

Alors qu’est-ce que ça veut dire constructible ? Ça signifie qu’on peut représenter leur valeur en utilisant une règle non-graduée et un compas. Eh bien, malheureusement, ça n’est pas possible ici.

Alors évidemment, comme je l’ai dit au-dessus, on peut calculer leur valeur approchée, donc c’est un peu une consolation. Mais ça restera une approximation, et on ne peut pas construire la valeur exacte.

C’est un peu décevant, mais au moins c’est clairement dit !

Conclusions

Donc finalement, la méthode que j’avais trouvée il y a 3 ans et dont je parlais en introduction n’est peut-être pas si bonne ! D’ailleurs, en préparant cet article, je me souviens que j’étais assez bluffé que ça marche parce que quand je la refaisais avec des cas compliqués, je tombais justement sur des approximations … maintenant je sais pourquoi !

J’en profite pour dire que j’ai trouvé cette démonstration sur la page Wikipédia de l’heptagone, donc je n’ai aucun mérite. Mais ça m’aura permis de découvrir la notion de nombre constructible, qui est très intéressante !

J’espère que cet article vous aura plu autant qu’il m’a plus de l’écrire 🙂

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