Le week-end dernier, j’ai terminé le livre « The design of everyday thigs », abrégé DOET, de Don Norman. Je profite donc de ce blog pour donner mon avis sur ce que j’en ai pensé.
Alors, déjà, d’où m’est venue cette idée ? J’avais déjà lu des livres en lien avec le design, notamment la biographie non-officielle de Jony Ive, le designer d’Apple. De manière générale, même si je n’y connais pas grand-chose, ça m’intéresse. Et récemment, en écoutant le podcast Nouvelle École de Jean-Daniel Guyot, ce dernier recommandait le livre. Et vu que je trouve Trainline (ex Captain Train) très bien faite, j’ai acheté le livre.
Déjà, il faut savoir que c’est un livre très compact, mais très très dense ! Je pense que même après l’avoir lu, certains concepts m’ont échappé, d’autant plus qu’il est question de choses auxquelles je ne m’attendais pas ! Ceci dit, il a l’air très complet et il vaut la peine d’être relu je pense.
Alors, qu’est-ce qu’on apprend dans ce livre ? Eh bien, j’ai beaucoup aimé le début, avec notamment la présentation de 5 principes de design assez élémentaires :
- Les affordances : Je ne saurais pas traduire le terme, mais il décrit l’interaction qui est possible entre l’objet et l’utilisateur. Par exemple, une table a une surface plane sur laquelle on peut poser des choses. Dans le livre, on dirait que la table afford la pose d’objets.
- Les signifiers : Quelque chose de très proche des affordances, mais qui est quand même distinct. Un signifier permet par exemple de faire comprendre à l’utilisateur où l’action doit être faite. Par exemple, dans le cas d’un écran tactile (qui afford le toucher), un signifier peut être un bouton à l’écran, pour montrer à l’utilisateur l’endroit précis où il doit agir.
- Le mapping : Le mapping est une manière de lier le système à la manière dont on interagit avec. Par exemple, dans le cas des gazinières, il faut que le placement des boutons de commande soit cohérent par rapport au placement des différents feux, on parle alors du mapping des boutons de commande.
- Le feedback : Je l’avais oublié et je le retrouve en reprenant le livre, pourtant il est important ! Le feedback, c’est le fait d’indiquer à l’utilisateur que l’action a été comprise par le système. Par exemple, lorsque vous appuyez sur les boutons qui servent à ouvrir les portes dans les transports en commun, la lumière change pour montrer que le système a bien compris que vous avez appuyé.
- Le conceptual model : Le conceptual model est ce qu’on imagine qu’il va se passer lorsqu’on interagit avec le système. Dans le livre, l’auteur prend l’exemple des commandes de son réfrigérateur. Il y a deux compartiments (réfrigérateur et congélateur), et un panneau de commande avec deux sélecteurs. Un conceptual model classique dans ce cas serait de se dire que chaque sélecteur contrôle un compartiment. Eh bien, dans le cas de son congélateur, ce n’est pas le cas. Il y a donc un problème entre ce que permet de faire le panneau de commande et le conceptual model.
C’est au tout début du livre, et pourtant ce sont des choses très importantes je trouve ! Lorsqu’on en a conscience, on se retrouve vite à tester ça sur des objets du quotidien !
Dans les autres idées qui m’ont plu, il y a la gestion des « erreurs ». L’auteur explique que dans beaucoup de cas, l’expression « erreur humaine » devrait être remplacée par « mauvaise conception ». Souvent, le fait qu’une personne commette une erreur vient en fait d’un manque au niveau des 5 principes dont je parlais plus haut par exemple. Bon, je ne rentre pas dans les détails parce qu’il y a un très long développement, mais ça reste une manière de voir les choses intéressante !
Et ça m’amène à une idée très intéressante exprimée dans le livre : Autant en français, la notion de « design » est plutôt une considération esthétique, autant en anglais il s’agit vraiment de « conception » au sens large, et donc cela touche vraiment tous les objets (d’où le titre). Et au fil du livre, on comprend finalement qu’il y a beaucoup de notions philosophiques qui entrent en compte lors de la conception.
Et ça me permet de faire le lien avec un sujet d’actualité : le fait que le monde soit conçu pour les hommes et non pour les femmes. Tout a commencé avec un article du Guardian repris par le magazine Rockie. Il y a beaucoup de cas qui sont développés et qui montrent que bien souvent, les femmes se retrouvent laissées pour compte lorsqu’un objet est conçu, et que cela peut leur être très défavorable.
Dans cette affaire, un exemple est particulièrement marquant, et ça tombe bien car il s’agit justement de mon domaine professionnel : l’automobile. Lorsqu’on conçoit une voiture, comme beaucoup d’autres objets utilisés par les humains, il faut avoir une idée de l’anthropométrie (les dimensions) des gens qui vont l’utiliser. Typiquement, dans le cas d’un siège de voiture, on va s’intéresser aux longueurs des différentes parties du corps par exemple.
Mais lorsqu’on fait ça, on se rend compte de la variabilité des dimensions chez les gens. Alors on fait des statistiques, et on se place dans des cas qui sont les plus probables. L’un de ces cas les plus probable correspond à ce qu’on appelle le « 50ème centile homme ». Il s’agit d’une forme de corps humain qui représente « l’homme moyen ». Et généralement, la conception d’un siège est faite autour de ces dimensions.
Et donc on retombe donc sur l’exemple de l’article : le crash test. Comme pour la conception, les essais de crashes sont surtout fait avec des « 50ème centile » (on ne dit même plus « homme » tellement c’est implicite). Et cela fait que, pour une femme qui ne correspond pas à ces dimensions (les centiles pour les femmes ne sont pas les mêmes que les centiles pour les hommes), le réglage du siège, et donc la sécurité associée, est différent ! L’article dit que le risque d’être blessé grave pour une femme est 47% plus fort que chez les hommes, et le risque mortel est 17% plus élevé.
Ces chiffres assez fous montrent bien ce que j’expliquais plus haut : la philosophie guide le design. Le fait qu’un mauvais design cause des problèmes allant de la simple erreur bénine jusqu’à la mort est une idée connue. Mais ce qu’apporte cet article, c’est que le choix fait pour décider de ce qu’est un « bon design » est très révélateur : Ici, un bon design est finalement un design qui garantit la sécurité d’un être humain « moyen » … masculin.
Voilà pour cet article, qui comme celui des podcasts avec l’affaire de la ligue du LOL, se retrouve avoir un lien avec l’actualité sans que je l’ai cherché. En tout cas, je trouve très intéressant cette idée que la philosophie guide le design, et ça permet d’apprécier d’autant plus les idées développées dans le livre « The Design of Everyday Things ». J’espère qu’il vous a plu, à la semaine prochaine !
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