Conception d’interfaces, « culpabilité » de l’utilisateur, etc …

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Cette semaine, exit les maths, on va parler d’une différence de conception qui se voit notamment sur les applications. Cette différence, je la remarque plus ces derniers mois depuis que j’ai réduit mon utilisation de Facebook. C’est une réflexion totalement libre, mais c’est un sujet qui me pourrait être intéressant à creuser. C’est parti !

L’interface des réseaux sociaux principaux

Tout d’abord, voici le périmètre : lorsque je parle de réseaux sociaux, je pense principalement à Facebook (que j’utilise régulièrement), Instagram (que j’ai utilisé) et Twitter (sur lequel j’ai un compte mais que je n’ai jamais vraiment utilisé).

Le point commun entre ces trois services, c’est notamment la présence d’un « fil d’actualité » qui va recenser les dernières publications de nos ami.es, des pages auxquelles on s’est abonné, le tout avec quelques publicités qui s’intercalent.

Ces fils d’actualité ont une caractéristique commune : le défilement infini. C’est-à-dire que, contrairement à d’autres pages web (comme ce blog par exemple), on n’arrive jamais en bas de la page. Il y a toujours des publications qui se rajoutent. C’est une technique assez connue maintenant qui réduit la « friction », c’est-à-dire l’éventuelle difficulté qu’une personne aurait à faire une action. Concrètement, si rien ne nous empêche de faire défiler les actus, on continue et donc on reste plus longtemps sur le service, ce qui fait le bonheur des réseaux et de leurs clients (les publicitaires).

Depuis quelques années, je sens que cette technique, couplée à d’autres techniques de manipulation, font que je deviens accro aux réseaux sociaux. Alors, progressivement j’en ai réduit mon usage. Pour Twitter, ça n’a pas été difficile puisque je ne l’utilisais pas vraiment de base. Pour Instagram, qui était sûrement celui auquel je devenais vraiment accro, c’est passé par une désinstallation de l’application. Et pour Facebook, c’est passé par une grosse campagne de désabonnement des pages que je suivais.

Néanmoins, si j’étais abonné à ces pages, c’est que j’en appréciais le contenu. J’ai alors trouvé une alternative avec les flux RSS, qui m’ont permis de continuer à recevoir les nouvelles publications des sites ou des chaînes YouTube. Et justement, c’est là qu’on arrive à mon deuxième point.

L’interface des applis type flux RSS

J’utilise les RSS depuis bientôt 10 ans. Durant ma première vague, j’ai utilisé Google Reader, NetNewsWire ou encore Digg Reader. Puis, avec l’arrivée de Facebook, j’ai progressivement arrêté. J’ai tenté de reprendre avec feedly, mais ça n’a pas pris. Et depuis le premier confinement, j’utilise Feeder, une application disponible sur un magasin d’applications open source.

Bien qu’il y ait des différences esthétiques notables, le cœur de chaque application est le même : en page principale, on retrouve toutes les nouvelles entrées qui n’ont pas été consultées, et on peut ouvrir un menu séparé qui permet de consulter les entrées spécifiques à chaque flux.

Pour en dire quelques mots, l’avantage principal des flux RSS est qu’en étant abonné, on est sûr de recevoir tous les nouveaux articles, contrairement à Facebook qui réduit la portée des publications des pages si leurs propriétaires ne paient pas. Ça évite également les effets d’annonce et les statuts putaclic qui nous forcent à cliquer. L’inconvénient, c’est que certaines pages sont gérées par des humains, et donc on loupe ces publications « organiques ». C’est notamment le problème dans le cas des artistes, pour qui les pages Facebook sont bien s’iels veulent communiquer directement avec leurs fans. Bref.

Contrairement aux réseaux sociaux, ces applis n’ont pas de défilement infini. Il y a un système de défilement bien-sûr, mais il dépend directement (a) du nombre de flux auxquels on est abonné et (b) de la fréquence de publication de ces flux. Mais il y a aussi une différence un peu plus subtile, et je pense qu’en la notant, ça permet de bien sentir les oppositions de philosophie de chaque appli.

Le statut par défaut d’une entrée et ses conséquences sur mon comportement

Alors, c’est un titre un peu pompeux, mais ça s’illustre facilement. Par défaut, Facebook n’attent pas que vous cliquiez sur le lien d’une publication pour aller lire l’article associé. Le statut par défaut des entrées Facebook, c’est « pas à consulter ». Et si une publication m’intéresse, je dois faire l’effort de cliquer dessus si je veux la lire directement, ou alors de l’enregistrer en ouvrant un petit menu dans le coin supérieur droit de la publication.

Sur les applis de flux RSS, c’est l’inverse. Le statut par défaut des entrées est « potentiellement à consulter ». Si l’article nous intéresse, c’est un peu comme sur Facebook, on clique pour l’ouvrir directement ou on l’enregistre pour plus tard. Mais si l’article ne nous intéresse pas, il faut aussi faire une action pour le supprimer de la liste ! C’est une différence simple, mais qui devient très vite significative dans mon cas.

En effet, je suis abonné à 40 flux différents. Parmi eux, on compte des chaînes YouTube et des blogs qui publient assez peu. Mais on compte également des média assez importants, comme par exemple Maddyness ou Usbek et Rica, avec plusieurs articles publiés par jour. Donc pour les sources qui publient peu, j’ai le temps de tout lire et de tout suivre (et, pour être honnête, je prends ce temps). Mais pour les autres, ça n’est pas possible.

Ainsi, puisque je n’ai pas le temps de tout lire, et aussi parce que toutes les publications ne m’intéressent pas, je passe souvent les premières minutes sur cette appli à devoir virer tous les articles que je sais que je ne lirai jamais. Ça prend du temps, et je pense qu’inconsciemment, ça crée une sorte de petite culpabilité chez moi, du genre : « Merde, je me suis abonné à ce flux, mais je ne lis même pas ce qui est publié, c’est nul ». En y réfléchissant, c’est quelque chose qui peut se rapprocher du FOMO, la peur de manquer quelque chose d’important. Et il y a un deuxième effet kiss cool dans cette situation, c’est que les articles en attente s’accumulent et qu’à un moment je finis par devoir virer des articles que j’avais initialement retenus !

Et donc, on voit bien que les applis type flux RSS demandent plus d’effort à celui ou celle qui les utilisent, parce qu’il faut constamment prendre des décisions, faire des choix, et voir en direct les conséquences de ces choix. Avec un défilement infini, cette culpabilité n’a même pas le temps d’apparaître car on est constamment attiré par le prochain post qui pourrait se présenter à nous.

Y a-t-il des solutions ?

Du coup, je suis dans une sorte d’impasse. D’un côté, je commence de plus en plus à vouloir quitter Facebook, donc je n’ai pas envie d’y revenir. De l’autre, je sens bien que les applis de flux RSS ne sont pas non-plus la solution idéale, dans leur conception actuelle.

Après, le problème ne vient pas uniquement des applis, mais aussi du temps que je veux y consacrer. Il y a 10 ans, lorsque je découvrais les flux RSS, j’y consacrais 1 heure par jour, de 22h à 23h, donc même si j’étais abonné à des flux qui publient beaucoup, je pouvais suivre la cadence. Là c’est beaucoup moins le cas puisque je ne me suis pas donné de créneau spécifique.

L’une des solutions actuelles que j’ai est de me désabonner. En général, passé un certain seuil, je reconnais que je ne lis presque rien de ce qui est publié sur un flux, et donc que ça devient inutile de rester abonné. Sinon, il m’est récemment arrivé de faire un acte manqué, en cliquant « accidentellement » sur « marquer tout comme lu » et hop, se retrouver à nouveau avec un écran vierge.

Bon, je suis retourner chercher les publications que je voulais vraiment voir dès que je m’en suis rendu compte.

Tout ça pour dire que je ne sais pas s’il existe un solution intermédiaire qui permettrait de réduire cet effort et cette culpabilité chez la personne qui utilise l’appli, ou si au contraire c’est une bonne chose qu’elle soit et qu’elle permet de développer une forme de sobriété en ne s’abonnant qu’à un nombre de flux limité mais qu’on peut suivre …

En tout cas, je n’ai pas encore de solution à ça, comme en témoigne ma liste de publications à lire !

N’hésitez pas à partager vos réflexions dans les commentaires, notamment si vous avez des conseils ! J’espère que l’article vous à plu, à bientôt !

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