Taux d’amortissement modal et amortissement proportionnel

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Dans cet article, je vais parler de vibrations et de maths sur un sujet qui me revient souvent à l’esprit. J’espère donc qu’en l’écrivant une bonne fois pour toutes, j’arrêterai de constamment refaire la démo sur un bout de papier xD

De quoi on parle ?

Déjà, voici le problème. On cherche à étudier les vibrations d’un système discret composé d’une masse reliée au bâti par un ressort et un amortisseur. Dans le cas des vibrations forcées, l’équation du mouvement s’écrit ainsi :

Dans cette équation, m représente la masse, c la valeur de l’amortissement, k la constante de raideur, F la force appliquée, x le déplacement obtenu et t le temps. On est dans le cas d’un système linéaire, ce qu’on peut voir car il n’y a que x ou ses dérivées qui sont utilisées (on n’a pas de « x au carré » ou de « exponentielle de x » par exemple).

Par convention, et pour simplifier les calculs, on normalise cette équation par la masse. Pour les personnes qui ont des bons souvenirs de leurs cours de lycée et de post-bac, l’une des étapes pour trouver la solution à cette équation est de résoudre l’équation homogène, c’est-à-dire sans le terme F(t). On doit donc résoudre cette équation :

Enfin, toujours par convention, on introduit deux grandeurs supplémentaires : la pulsation propre w0 et le taux d’amortissement modal, noté avec la lettre grecque zeta. Ces grandeurs sont définies ainsi :

Quel est le problème ?

On voit donc que, pour calculer le déplacement x de notre système pour une force appliquée F donnée, il va nous falloir les valeurs de m, c et k. Généralement, on les obtient à partir de mesures expérimentales, ce qui n’est pas très compliqué pour m et k. Par contre, mesurer c est souvent moins évident que ce qu’on croit. Une astuce est donc de l’exprimer comme une combinaison linéaire de m et de k, ce qui s’écrit ainsi :

Alpha et Beta sont des coefficients de pondération qui permettent de définir c. J’en profite pour ouvrir une parenthèse : j’ai souvent oublié cette information, mais alpha et beta ont bien une dimension, il faut donc il faire attention si on doit convertir les valeurs dans d’autres unités ! Fin de la parenthèse. Comme on l’a vu tout à l’heure, l’une des étapes au cours de la résolution est de tout normaliser par la masse, ce qui donne ceci :

Si l’on se souvient des définitions de w0 et zeta que j’ai données dans l’intro, on voit qu’on peut transformer cette équation par :

Si on divise tout par (2*w0), on obtient une expression de zeta en fonction de alpha et beta. On peut voir cette expression comme le cas particulier d’une fonction qui à un omega quelconque associe une valeur de zeta telle que :

D’un point de vue mathématique, alpha et beta peuvent valoir ce qu’on veut. Soit on les définit au petit bonheur la chance, soit on essaye de faire ça un peu plus proprement. Typiquement, une des manières de faire est décrire l’expression de zeta pour deux valeurs d’omega que l’on connait. Si l’on connait les deux omega et les deux valeurs de zeta associées, on peut écrire un système d’équations qui nous permet d’obtenir alpha et beta. Cette méthode peut être utile lorsqu’on a un système avec beaucoup de degrés de liberté (c’est-à-dire beaucoup de masses en mouvement) mais que l’on ne connait le taux d’amortissement modal que pour deux d’entre eux.

Mais dans certains cas, on tombe sur des valeurs d’alpha et beta qui font que zeta est parfois négatif ou nul. Mathématiquement, c’est pas grave, mais physiquement ça ne correspond pas à la réalité. Si on n’y fait pas attention et qu’on est dans une situation où c’est le cas, cela peut poser des problèmes, notamment lorsqu’on utilise la valeur de zeta dans un code de calcul par éléments finis par exemple.

En effet, d’un point de vue physique, zeta doit toujours être un nombre positif. Ce qui signifie que toutes les valeurs d’alpha et de beta ne marchent pas. Pas de suspense : seules les valeurs strictement positives permettent d’avoir une valeur de zeta qui a un sens physique. Le problème selon moi est que cette écriture ne permet pas de s’en rendre compte. J’ai donc cherché une meilleure manière d’écrire cette équation.

Réécriture de l’expression de zeta

Pour démarrer cette réécriture, j’ai choisi de calculer la dérivée de zeta, qui est

L’intérêt de calculer la dérivée est que, en calculant ses racines (les valeur pour lesquelles elle vaut 0), on peut trouver des extrema de zeta. Ici, il y a deux solutions, mais d’un point de vue physique, seule la racine positive est acceptable puisqu’oméga est une pulsation. On va noter cette racine avec une étoile, et on peut calculer la valeur de zeta pour cette valeur spécifique. Cela donne :

Cette écriture est intéressante car elle permet de voir qu’il y a un lien entre les coefficients de pondération et ce qu’on pourrait appeler une pulsation caractéristique (et la valeur du taux d’amortissement modal associé). On peut même pousser plus loin en cherchant à définir alpha et beta et fonction d’omega* et de zeta*. Cela donne :

Selon moi, avec cette expression plus précise d’alpha et beta, on comprend mieux pourquoi ils doivent être positifs. Cela s’explique par le fait qu’ils sont définis à partir de cette pulsation caractéristique. Et puisqu’une pulstation est toujours positive et que sont taux d’amortissement modal associé l’est aussi, il est normal qu’alpha et beta soient positifs.

Conclusion

Un avantage de ce type de méthode est qu’on peut définir les coefficients de l’amortissement proportionnel en étant sûr de ne pas faire d’erreur, puisqu’on sait comment ils doivent être définis. Il suffit de choisir une pulsation caractéristique et une valeur du taux d’amortissement modal pour cette pulsation, et on peut en déduire alpha et beta. Un autre avantage de cette méthode est qu’elle demande moins d’informations préalables pour pouvoir trouver alpha et beta.

En inconvénient, je dirais que c’est peut-être moins évident de comprendre ce à quoi correspond omega*. Avec la méthode initiale, on définit alpha et beta à partir de valeurs d’omega qui correspondent à des fréquences propres. Les choisir revient donc à dire « combien d’amortissement je veux pour ce mode« . Là, on se retrouve à travailler à partir d’une fréquence qui n’a pas forcément de lien avec les fréquences propres de notre système.

À noter que la formulation par amortissement proportionnel présente deux limites importantes :

  • Tout d’abord, comme on le voit avec la formulation de zeta en fonction de omega, il y a des asymptotes infinies lorsque omega tend vers 0 et vers l’infini. Cela étant impossible dans la réalité, ça montre clairement une des limitations à utiliser ce type de formulation.
  • Et même si on choisit d’utiliser un amortissement proportionnel uniquement dans une plage de fréquences donnée, il n’y a absolument rien qui dit que zeta varie de cette manière sur le système réel. Il s’agit vraiment d’une hypothèse qu’on fait, notamment pour faciliter les calculs.

Allons un peu plus loin

Maintenant qu’on a des expression d’alpha et beta un peu plus précises, on peut les injecter dans l’expression de zeta. Cela donne :

Cette écriture commence à être intéressante. Pour comprendre pourquoi, on définit une pulsation réduite, que l’on va noter r et qui correspond au rapport entre omega et omega*. On a alors :

Et là, on arrive sur quelque chose d’intéressant : le taux d’amortissement modal à une pulsation réduite donnée correspond à la valeur du taux d’amortissement modal à la pulsation caractéristique pondérée par la moyenne entre la pulsation réduite et son inverse.

Je ne sais pas vous, mais moi cette écriture me plaît bien, déjà parce qu’elle est relativement simple et aussi parce qu’elle ne fait intervenir que des grandeurs sans dimension, ce qui lui donne un petit côté « absolu ».

Voilà, j’espère que ces réflexions autour du taux d’amortissement modal vous auront intéressé ! De mon côté, ça me fait plaisir d’avoir écrit tout ça clairement une bonne fois pour toutes ! Peut-être que ça sera plus imprimé dans mon cerveau la prochaine fois que j’aurai à m’en servir !

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