Jusqu’à présent, je n’avais jamais eu à faire de prêts bancaires. Maintenant que je suis dans une situation stable, je me retrouve à en faire un pour acheter une maison. Du coup, lorsqu’on m’a fait les premières offres, j’ai eu envie de comprendre les maths derrière. Maintenant que c’est le cas, j’ai envie de l’écrire ici.
Le principe d’un prêt
Le principe d’un prêt, c’est qu’une banque nous donne de l’argent que l’on n’a pas à un instant donné, et qu’on la lui rembourse sur la durée. En plus d’une somme d’argent, un prêt est défini par une durée (en mois par exemple) et un taux d’intérêts. Ce taux fait que nous allons en réalité rendre plus d’argent que ce que la banque nous a prêté. En général, on appelle l’écart entre la somme réellement remboursée et la somme prêtée le loyer de l’argent.
À partir de la somme prêtée, la durée et le taux, on peut calculer la mensualité. Cette valeur est importante car elle nous permet de savoir si on peut se permettre de contracter le prêt dans cette configuration (en calculant un taux d’endettement par exemple). Si ce n’est pas le cas, il faut faire varier la somme à prêter ou la durée, ou trouver une banque avec un taux différent.
Une fois la mensualité obtenue, on peut faire un échéancier, c’est-à-dire un tableau qui liste le capital restant à rembourser, la part remboursée et la part d’intérêts pour chaque mois de la durée du prêt.
Calculer un échéancier « avec les mains »
Maintenant que les bases sont posées, on va se donner un exemple simple pour comprendre :
- on souhaite emprunter 100€,
- on souhaite rembourser cette somme en 10 mois,
- la banque peut nous faire un taux de 5%.
Avec ces informations, on trouve que la mensualité est d’environ 10,23€. On peut alors construire un tableau avec 5 colonnes :
- le mois,
- le capital restant à rembourser,
- la valeur de la mensualité,
- les intérêts,
- la quantité du prêt remboursée.
À ce stade, notre tableau ressemble donc à ça :
Mois (.) | Capital restant à rembourser (€) | Mensualité (€) | Intérêts (€) | Capital remboursé (€) |
1 | 100 | 10,23 | ||
2 | 10,23 | |||
3 | 10,23 | |||
4 | 10,23 | |||
5 | 10,23 | |||
6 | 10,23 | |||
7 | 10,23 | |||
8 | 10,23 | |||
9 | 10,23 | |||
10 | 10,23 |
Comme vous le voyez, il manque encore beaucoup d’informations. Pour les remplir, il faut suivre 3 règles :
- les intérêts du mois courant sont calculés en multipliant le capital restant par le taux mensuel (c’est-à-dire le taux annuel divisé par 12),
- le capital remboursé du mois courant est calculé en retranchant les intérêts à la mensualité,
- le capital restant à rembourser du mois suivant est calculé en retranchant le capital remboursé du mois courant au capital restant au mois courant.
Avec ces trois règles, on obtient le tableau suivant :
Mois (.) | Capital restant à rembourser (€) | Mensualité (€) | Intérêts (€) | Capital remboursé (€) |
1 | 100 | 10,23 | 0,42 | 9,81 |
2 | 90,19 | 10,23 | 0,38 | 9,85 |
3 | 80,33 | 10,23 | 0,33 | 9,90 |
4 | 70,44 | 10,23 | 0,29 | 9,94 |
5 | 60,50 | 10,23 | 0,25 | 9,98 |
6 | 50,52 | 10,23 | 0,21 | 10,02 |
7 | 40,50 | 10,23 | 0,17 | 10,06 |
8 | 30,44 | 10,23 | 0,13 | 10,10 |
9 | 20,33 | 10,23 | 0,08 | 10,15 |
10 | 10,19 | 10,23 | 0,04 | 10,19 |
Et voilà ! Avec ce tableau, on a une vue globale du remboursement du prêt à chaque étape. Si on additionne, les entrées de la dernière colonne, on trouve bien 100€, ce qui était notre capital à rembourser. Et si on additionne toutes les mensualités, on trouve 102,31€. On voit donc que le loyer de l’argent représente 2,31€, ce qui correspond à la somme des intérêts.
(Note : les personnes qui suivent auront remarqué que 10*10,23 vaut 102,30 et non 102,31, mais en réalité la mensualité n’est pas exactement de 10,23€, j’ai arrondi à la deuxième décimale pour la lisibilité.)
Une autre manière de se représenter les choses est de faire un graphique :
Sur ce graphique, on voit bien que la mensualité (la somme des deux couleurs pour chaque colonne) est constante. On voit aussi que la part des intérêts diminue au fil des mois. C’est normal, les intérêts sont calculés à partir du capital restant à rembourser, et plus le temps avance plus ce capital diminue. La somme des barres orange correspond à la somme prêtée, et la somme des barres bleues au loyer de l’argent.
Calculer l’échéancier d’un prêt avec les maths
Ok, c’est bien beau, mais comment on trouve la valeur de la mensualité qui fait que tout se goupille bien ? C’est la première question que je me suis posée lorsqu’on m’a fait une première proposition. Pour répondre à ça, on peut utiliser un outil mathématique connu : les suites.
Avant de rentrer dans le dur, je vais introduire les notations :
- K représente le capital prêté (les 100€ de l’exemple précédent),
- t représente le taux annuel (les 5% de l’exemple précédent),
- N représente le nombre de mois (les 10 mois de l’exemple précédent),
- m représente la mensualité que l’on cherche.
De plus, on note un la valeur du capital remboursé au mois n. Selon le mois que l’on regarde, il y a deux définitions. Au premier mois, on a :
Et pour les mois à partir du deuxième mois, on a :
Je note Rn le capital restant à rembourser au mois n. Avec un raisonnement par récurrence, on peut montrer que l’expression de un est :
Cette expression semble assez complexe, mais vous allez voir qu’on peut la simplifier. Une technique courante pour ce faire consiste à calculer la différence entre deux termes consécutifs. On a donc :
Tiens ! La différence entre deux termes consécutifs est proportionnelle à la valeur au mois n ! On peut donc regrouper les termes ensemble, ce qui nous donne :
Et donc là, si vous avez de bons restes, vous reconnaissez une suite géométrique ! Et c’est une bonne nouvelle car les suites géométriques sont des outils mathématiques qu’on sait très facilement manier ! En l’occurrence, à partir de la relation entre deux termes consécutifs, on est capable de retrouver la formule qui relie n’importe quel terme un au premier terme u1. La formule est :
C’est quand même assez fou ! Quelques lignes plus haut, on avait une expression extrêmement compliquée, mais en faisant quelques manipulations bien senties, on arrive à une expression beaucoup plus simple ! C’est d’autant plus intéressant que, toujours grâce à vos bons restes, vous savez qu’on peut calculer la somme des un !
L’autre chose que l’on sait, c’est que par définition, la somme des un vaut le capital K ! En injectant l’expression de u1 et la valeur de la somme, on a donc l’égalité suivante :
On y est presque ! À ce stade, on a trouvé une expression pour la somme des parties de capital remboursé qui dépend des informations connues (K, N et t) et de la mensualité que l’on cherche (m). De plus, on sait combien vaut cette somme. Grâce à ça, on peut remonter à m ! L’expression finale est alors :
Et voilà ! Si vous remplacez K par 100, N par 10 et t par 0,05, vous trouverez bien 10,23 (environ). De mon côté, j’ai aussi fait le test avec les informations que j’avais données à ma banque et j’ai bien retrouvé la mensualité qui était affichée sur l’offre que l’on m’avait faite.
(Note : si vous suivez toujours, vous aurez remarqué que la mensualité réelle est parfois plus élevée que cette mensualité que vous avez calculé. Cela s’explique par le fait qu’il y a une assurance sur le prêt, mais je ne vous cache pas que je ne maîtrise pas encore le mode de calcul de la mensualité avec assurance).
Mais si j’ai un apport, comment on fait ?
Dans certains cas, on peut faire un prêt avec un apport, c’est-à-dire qu’on a déjà une partie de la somme à rembourser au moment où la banque nous prête l’argent. Dans ce cas, le calcul est très similaire :
- au lieu d’utiliser K, il faut utiliser K – A (avec A l’apport),
- au lieu de faire le calcul sur N mois, il faut le faire sur N-1 mois (puisque le premier mois vous donnez votre apport).
Pour illustrer cela, supposons qu’on garde le même prêt que tout à l’heure, mais qu’on a un apport de 20€. La somme à rembourser n’est donc que de 80€ sur 9 mois. La mensualité est alors de 9,08€, et le nouveau tableau ressemble à ça :
Mois (.) | Capital restant à rembourser (€) | Mensualité (€) | Intérêts (€) | Capital remboursé (€) |
1 | 100 | 0 | 0 | 20 |
2 | 80 | 9,08 | 0,33 | 8,74 |
3 | 71,26 | 9,08 | 0,30 | 8,78 |
4 | 62,48 | 9,08 | 0,26 | 8,81 |
5 | 53,67 | 9,08 | 0,22 | 8,85 |
6 | 44,81 | 9,08 | 0,19 | 8,89 |
7 | 35,93 | 9,08 | 0,15 | 8,93 |
8 | 27,00 | 9,08 | 0,11 | 8,96 |
9 | 18,04 | 9,08 | 0,08 | 9,00 |
10 | 9,04 | 9,08 | 0,04 | 9,04 |
Cet exemple nous permet de voir l’intérêt de faire un prêt avec un apport. En effet, si vous vous souvenez bien, le loyer de l’argent dans le premier cas était de 2,31€ (102,31 – 100). Cette fois-ci, il n’est que de 1,68€ (81,68 – 80). Pour cet exemple simple, on croirait que c’est rien, mais en réalité c’est une réduction de presque 30% ! C’est donc autant d’argent en moins que vous donnez à la banque !
Conclusion
Dans cet article, on a vu trois choses principales :
- comment construire un échéancier de remboursement à partir d’un capital prêté K, d’un nombre de mois de remboursement N, d’un taux t et d’une mensualité m,
- comment calculer soi-même la mensualité m si l’on connait K, N et t,
- comment prendre en compte l’apport dans son prêt.
Ça me semble important de comprendre ces informations, car ça permet de pouvoir tirer des conclusions. Par exemple, si les mensualités sont trop élevées, on peut :
- emprunter moins d’argent (réduire K),
- avoir un apport (ou augmenter sa valeur),
- emprunter sur plus longtemps (augmenter N),
- trouver un taux plus faible (réduire t), soit en négociant avec sa banque ou en en choisissant une autre.
J’espère que cela vous aidera à y voir plus clair comme ça a été le cas pour moi ! Et à bientôt pour un prochain article !
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